Anne Faucon, fondatrice du cinéma Utopia de Pont Sainte-Marie : Il y a cette phrase de Rudyard Kipling qui dit « Si tu veux construire un navire, ne commence pas par amasser des bûches, par faire tailler du bois… Commence par éveiller dans le cœur des hommes le désir de la mer grande et belle. »
1976, Utopia Avignon. Au départ, c’est Anne-Marie Faucon et Michel Malacarnet. Utopia, c’est né de cette conviction-là, de bâtir un monde meilleur. Il y avait une très belle formule où il disait « On va construire une alternative à la domination des trusts. » Ça avait de la gueule comme ambition ! Et c’est pour ça que ça s’est appelé Utopia, parce que ça parait tellement utopiste. [rires] »
Fabrice Rodriguez, chargé d’affaires au Crédit Coopératif : Il y a longtemps, j’étais encore un jeune chargé d’affaires, on avait un ancien président qui parlait du Crédit Coopératif comme la banque des utopies maîtrisées. Le lien avec Utopia est évident. C’est une utopie au départ, qui s’est matérialisée par des projets qui se sont disséminés un peu partout sur le territoire.
Anne Faucon : Et en définitive, 50 ans après, c’est encore là. Il y a des gens… On est sur une course de fond, où on se repasse le flambeau les uns aux autres, où chacun amène des petites choses, de nouvelles contributions. On est des lieux qui sont petits, avec des tailles d’écran, de salles, qui sont adaptées au public qu’on a, aux films indépendants qu’on a envie de défendre. C’est un lieu de vie et c’est ça qui est chouette, c’est que les gens se l’accaparent. Moi, ma contribution, ça a été de me demander « Mais pourquoi il n’y a pas un panneau photovoltaïque ? » et puis d’aller voir des personnes.
J’ai rencontré des bureaux d’étude qui m’ont dit « Mais non, faire de l’écologie, ce n’est pas forcément plus cher, sauf qu’il faut le faire dès le départ, il faut penser les choses ». Et ça m’a amené à bouger, à ne pas avoir des idées préconçues, genre « il faut absolument mettre du photovoltaïque » ou « il faut absolument faire de la géothermie ». En fait c’est pas du tout ça. C’est commencer par analyser, faire les choses sur le terrain. J’espère qu’un jour ça sera dépassé. Le but, c’est qu’on soit dépassé. Mais en tout cas pour l’instant, c’était de mettre déjà le pied dans le plat.
Avec le Crédit Coopératif, c’est une longue histoire d’amour. Ça s’est fait à Avignon à un moment où c’était assez difficile justement. Et où la banquière du Crédit Coop a compris à l’époque comment fonctionnait le fonds de soutien, qui est une taxe spéciale qu’on peut récupérer en cas de coup dur. Elle s’est appuyée sur ça pour monter son dossier. Elle est montée au créneau, elle l’a défendu et ce n’était pas du tout simple. Et en fait, elle a sauvé quelque part la vie d’Utopia Avignon. Et puis elle l’a fait par conviction, et parce qu’elle trouvait qu’on créait de la vie aussi.
Fabrice Rodriguez : On est la banque qui porte le plus grand nombre d’associations en France sur le secteur culturel, mais on ne peut pas y être engagé pleinement si soi-même on n’est pas militant un petit peu aussi des différents métiers qu’on représente. Faire du cinéma d’art et d’essai et l’accompagner, c’est beaucoup plus facile quand on peut parler aussi avec les porteurs de projets ou ceux qui sont là depuis longtemps de ses affinités aussi en tant que spectateur.
Anne Faucon : Crédit Coop, heureusement qu’ils étaient là, parce qu’ils nous ont dit « de toute façon ira, on soutiendra ».
Fabrice Rodriguez : À mon niveau, quand je présente un dossier, je sais que je vais avoir une écoute attentive de la personne qui représente la culture au niveau national chez nous. Ça permet aussi de se lancer dans des projets, des fois, un petit peu atypiques.
Anne Faucon : On n’existe pas sans les films, on n’existe pas sans les autres en fait. Et le cinéma, c’est le meilleur endroit pour s’en apercevoir.