Dans la peau d’Alexandre Dipoko Ewané
À hauteur de Bellevue
Alexandre Dipoko Ewané, athlète : « Moi, j’étais un enfant hyperactif. J’ai commencé le sport dans mon quartier, en courant partout avec des jeux, en fait, tout simplement. On jouait entre nous à des police / voleur et j’étais très bon. J’ai toujours pratiqué beaucoup de sport, je suis un passionné de sport. J’ai fait du roller, du viet vu dao, j’ai fait du grappling, de la boxe thaï, du foot et maintenant de l’athlétisme qui est mon travail aujourd’hui. Ma discipline, c’est le saut en hauteur.
Je viens du quartier de Bellevue. Ça représente beaucoup pour moi, c’est là où j’ai grandi, mon caractère vient de là-bas, ma rage aussi de vaincre vient aussi de là-bas. Il y a aussi une mixité sociale qui est magnifique. Ça m’a aidé après pour la suite en fait. Ça m’a donné des armes pour pouvoir combattre.
J’ai une paralysie du plexus brachial. Comment je l’ai eue ? C’est à la naissance, c’était un accident. Enfin, j’étais trop gros. J’étais un gros bébé en fait et lors de l’accouchement en fait je ne passais pas. Il était trop tard pour faire une césarienne ou quoi que ce soit.
J’a découvert l’athlétisme à l’école et dans l’association à Bras, une association de personnes en situation de handicap comme moi. Ça m’a fait beaucoup de bien de savoir que je n’étais pas le seul à avoir une vie compliquée, forcément, à être timide. Enfin, plein de choses qu’on pouvait partager. En grandissant, en acceptant aussi mon handicap, j’ai réussi à m’assumer et cette timidité est partie.
Au début, je ne voulais faire que du « valide », mais une fois que j’ai accepté mon handicap, que j’en ai fait une force, du coup, je me suis dit : c’est génial en fait. Le fait qu’on soit entre nous en handisport, ça nous permet aussi d’aller à un plus haut niveau. Nous, les handisport, enfin, on ne nous voit pas du tout comme les valides. Par exemple, sur des gros championnats où eux ils vont être rémunérés, nous, on ne va pas être rémunérés.
Oui, je suis fier de mon palmarès. Ma première médaille, ça a été en Italie, aux Europ’ où j’ai fait premier et ensuite ça a été en Allemagne, où j’ai fait champion d’Europe aussi. C’étaient mes deux belles victoires. J’espère en tous cas me qualifier pour Tokyo et ensuite après direction Paris.
Il faut croire en soi et ne pas accepter la défaite. Souvent, les jeunes abandonnent parce qu’on ne leur offre pas beaucoup d’opportunités. Pour moi, dans mes médailles, il n’y a pas qu’une victoire, il y a aussi une victoire pour tous ces jeunes. Pour montrer aussi un peu l’exemple et montrer que malgré tout on peut réussir. »
Dans la peau de Lucas Créange
D’une table à l’autre : itinéraire d’un compétiteur
Lucas Créange, athlète : « Comme on dit les voyages forment la jeunesse. Même si je ne suis pas né à Reims j’ai passé toute mon enfance là-bas. En ce moment je fais lundi au vendredi à Reims. À Poitiers, dans le pôle France, je m’entraîne au CREPS. À Metz, je m’entraîne avec des joueurs de haut niveau. Bon là, c’est vrai qu’il y a eu la période de pandémie. Metz n’a pas pu me prendre là parce qu’ils n’ont pas pu prendre une personne extérieure. Donc je suis allé aussi à Montpellier.
Ça permet de bouger un peu, ça peut être fatigant, mais moi j’ai la chance de pouvoir très bien récupérer, donc ça ne me dérange pas de faire ça. J’ai hésité quand j’étais gamin entre le foot et le ping. J’ai vraiment choisi le tennis de table. Par exemple, j’en avais fait l’école, par exemple, au collège, puis aussi dans des garages chez des amis de ma mère et ça m’a donné envie.
J’ai beaucoup progressé notamment quand je suis arrivé en sport adapté : mon jeu a beaucoup évolué, ce qui m’a beaucoup aidé à progresser au niveau international, et à progresser au niveau national puisque moi je joue sur deux tableaux : au niveau national et international. Je suis numéro 4 mondial et en « valide » je suis 318 français.
J’ai plusieurs entraîneurs dont Yves, mon référent principal. Chacun a sa méthode. Ils ont une vision différente des choses. Le thème, c’est le même, c’est la vision qui est différente. Quand tu fais l’analyse vidéo, ça t’aide à trouver des réponses, quand tu es en difficulté par exemple. C’est comme un jeu d’échecs c’est par exemple tu fais ça, bah je vais faire ça. Aux échecs, c’est pareil.
C’est important de sensibiliser en sport adapté et en handisport, surtout en sport adapté parce qu’on connaît plus le handisport, mais le sport adapté on connaît moins. Le handisport c’est le handicap physique et le sport adapté c’est plus vers le mental, handicap mental. Moi, je suis sport adapté, c’est une différence mais ça se voit très peu, ça ne se voit pas du tout. D’ailleurs, ça ne m’a pas empêché de faire une école normale et d’avoir mon bac, ce qui est très rare en sport adapté.
J’ai la chance de beaucoup voyager, donc découvrir de nouveaux pays, de nouvelles cultures et puis aussi vivre des expériences au niveau sportif à l’international. Souvent, on fait les compétitions en Europe. Ça peut nous arriver de faire des compétitions en dehors de l’Europe comme quand, par exemple, c’est les championnats du monde.
Je suis ambitieux pour Tokyo, très ambitieux. J’ai envie de gagner, au moins aller chercher le podium, la médaille. Je suis très ambitieux pour vous dire. »
Dans la peau de Marine Boyer
Rejoindre une famille de passionnés
Marine Boyer, athlète : « C’est bon de partager son sport et c’est là que « tu dis tu n’es pas tout seul ». C’est important aussi de s’encourager, je pense qu’on a toutes besoin l’une de l’autre pour avancer, même si c’est en individuel parce que des fois on est en équipe. Donc je pense qu’on a toutes besoin l’une de l’autre pour s’aider et pour aller de l’avant. On s’entraide quand on ne va pas très bien. C’est ma deuxième famille.
J’ai commencé la gym à 6 ans au club de Melun. Quand j’ai quitté le nid familial, j’avais 14 ans, donc je me sentais assez prête pour quitter, même si c’était un peu tôt. Là, je m’entraîne à l’Insep que j’ai intégré en troisième, donc en 2014, et ça fait à peu près sept ans que je suis à l’INSEP. Je suis fière aussi de là où j’en suis parce que c’était mal parti, on va dire. J’ai toujours fait des résultats quand j’étais petite mais je n’étais pas la meilleure, la plus talentueuse, la plus jolie et, c’est à force du travail et de détermination que j’ai fait ce chemin-là. Ton corps c’est ton outil de travail, donc tu en as besoin tout le temps.
J’ai participé au spot de l’équipe de France unifiée. Je trouvais ça important d’être là, mélanger les handisports et les valides, je trouvais ça génial. J’ai fait des rencontres, j’ai parlé avec des sportifs, que ce soit des grands, des petits. Je parlais avec tout le monde et c’est vrai que le partage de connaissances, de carrière, c’est beau aussi. Et pour moi il n’y a aucune différence entre les valides et les handisports. Enfin, on fait tous du sport, on est tous en compétition, on stresse tous pareils. Le mélange de toutes nos disciplines fait notre force, donc je trouve ça cool.
J’ai toujours fait de la gym pour moi, je n’ai jamais fait la gym pour les autres. Je me suis toujours fait plaisir dans tout ce que je faisais, même ça a été dur. Je veux vraiment kiffer mon moment et prendre plein d’informations partout où je peux les prendre pour après derrière pouvoir raconter ça à mes enfants, à mon petit frère, à mes parents, à tout le monde.
Si j’avais un message à passer aux petites qui commencent la gymnastique, c’est surtout de se faire plaisir parce que c’est une passion la gymnastique. Je n’ai jamais eu de pression aussi de mes parents, je pense que ça a été bénéfique aussi pour moi parce qu’ils m’ont toujours dit : « si un jour, demain, tu as envie d’arrêter, tu arrêtes. C’est toi qui fais ton sport c’est toi qui te fais plaisir et si jamais un jour tu n’as pas envie, voilà ça sera la fin. »
Dans la peau de Zakia Khudadadi
L’inclusion est un sport de combat
Zakia Khudadadi, athlète : « Je m’appelle Zakia Khudadadi, j’ai 23 ans et je viens d’Afghanistan. Je suis née dans la province de Herat, j’y ai beaucoup de souvenirs, c’est là que j’ai commencé mon sport, le para-taekwondo. En Afghanistan, naître fille, c’était déjà une honte, en plus je suis née avec un handicap. Mais je me suis battue, ce qui m’a permis d’en arriver là où j’en suis aujourd’hui. Heureusement, ma famille était très éclairée ; elle m’a toujours encouragée et soutenue pour que je n’accepte pas la défaite, surtout dans une société où faire du sport pour une fille, c’était très difficile. Mais mon père et ma mère, avant même que je commence mon combat, avait déjà affronté le jugement des autres. Le para-taekwondo était le seul sport ouvert aux personnes atteintes de handicap en Afghanistan. Je voulais montrer à tout le monde ce dont j’étais capable et le meilleur moyen c’était le sport. »
Oury Stantzmann, entraîneur national de l’équipe de France para-taekwondo : « Alors, ce qui caractérise pour moi Zakia ? C’est une combattante, elle est extrêmement déterminée. Quand on connaît son parcours, on sait qu’elle n’a pas eu froid aux yeux pour franchir les frontières. C’est une femme engagée, c’est une sportive engagée. Et disons que ça matche avec les qualités que l’on recherche dans un profil de champion et de combattant. »
Zakia : « Je m’apprêtais à quitter Kaboul pour me rendre au Japon. Et exactement deux avant mon départ, les Talibans sont arrivés. Mais je suis heureuse, aujourd’hui, d’avoir pu, avec l’aide de la France et d’autres pays, sortir d’Afghanistan. »
David Verdier, professeur de français à l’INSEP : « Zakia est arrivée cette année en septembre ; progressivement, elle a trouvé ses marques et là aujourd’hui elle est totalement intégrée dans la vie de l’INSEP, sur le campus. »
Zakia : « Je suis heureuse d’être aujourd’hui ici, en France et que ma famille soit avec moi. Avec le nouvel entraînement que je suis, tout a changé. Je vois le changement radical au niveau de mes performances sportives. »
Oury : « Elle a une soif de progression, d’amélioration, de travail sur elle-même. »
Zakia : « La France reconnaît la valeur du sport. Le sport c’est un miracle pour la vie des réfugiés. Et c’est un chemin qui peut rapidement mener à la réussite. »
David : « Le sport est un lien social, ce n’est pas simplement musculaire. »
Zakia : « Liberté, égalité, fraternité, c’est une devise que je trouve formidable. »
Oury : « Il y a un tel niveau d’investissement physique, psychique et je dirais presque spirituel qu’on s’éloigne et on perd de vue totalement l’aspect handicap : on n’est que dans du haut niveau. »
Zakia : « Je me vois déjà sur un podium, j’espère pouvoir briller en France et être un exemple dans le monde au nom de tous les exilés. »
Oury : « Aujourd’hui, les médailles para comptent autant que les médailles valides et pour nous, c’est encore une marque de reconnaissance, d’intégration et de réussite. »
Zakia : « J’aimerais concourir pour le drapeau français. La France m’a sauvée la vie et m’a permis de continuer mon entraînement. Partout sous le ciel et sur la terre, il existe un lieu où réaliser ses rêves. Il suffit de garder espoir. »
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