Cartes blanches #Agir2024

Anciens athlètes, personnalités politiques ou médiatiques prennent la parole pour nous éclairer sur les problématiques d’inclusion. Voici les transcriptions de ces vidéos.

La parole à…

Samuel Marie

Aventurier et entrepreneur

Carte blanche à Samuel Marie

Samuel Marie : « Moi, c’est Samuel Marie, j’ai 36 ans et je suis un aventurier autour du monde. ».

Ton handicap, comment le vis-tu au quotidien ?
Samuel Marie : « Moi, mon handicap, je le vis assez bien, mais j’ai toujours besoin de progresser, d’avancer, de mieux comprendre. C’est pour ça que j’essaie de proposer des nouvelles images du handicap. ».

De nouvelles images ?
Samuel Marie : « On était en Antarctique ou dans les montagnes, des endroits où on n’attend pas une personne à mobilité réduite. Et ça, je pense que ça peut faire changer l’image qu’on a, embellir, mettre un peu de paillettes sur tout ça. ».

Comment a démarré ton épopée ?
Samuel Marie : « Moi, j’ai eu un accident au travail, il y a quinze ans, où je suis tombé de six mètres d’une falaise, dans le cadre de travaux acrobatiques. J’ai eu le temps de réaménager beaucoup de choses, notamment mon logement, et trouver des véhicules pour compenser un peu le principe de la mobilité réduite. Et une fois que t’as ça qui est compensé, ça te permet de pouvoir remettre des aventures et remettre des choses qui engagent par-dessus. Si t’as déjà la problématique du quotidien dans ton chez-toi ou dans ton véhicule, ça veut dire que derrière tu ne pourras rien engager de plus, parce que c’est déjà l’aventure, le quotidien. ».

Grâce à des équipements adaptés donc ?
Samuel Marie : « D’aménager l’environnement urbain, toute la société, d’adapter tout ça, ça permet derrière de pouvoir être plus créatif et de proposer quelque chose aux autres, à la société, même à soi-même. Donc c’est pour ça que l’aménagement et l’adaptation de l’environnement est hyper important, et il est basique. Ce n’est pas une folie ! C’est juste la base en fait, je pense. ».

C’est quoi le travail que vous faites avec ton asso ?
Samuel Marie : « Mon association, avec laquelle je travaille, c’est beaucoup pour les innovations aux quatre coins du monde. Il n’y a pas des formats qui vont être exceptionnels à transposer en France, mais c’est vraiment aller chercher du bon sens, des bonnes pratiques. Je me balade avec mon camion pour aller chercher ça. ».

Ou devrait-on dire… tes assos ?
Samuel Marie : « Et dans un autre registre, je fais partie d’une association qui développe un cockpit accessible de montgolfières, pour qu’on puisse piloter directement de son fauteuil, sans faire de transfert et en totale autonomie. On ouvre une formation pour qu’on puisse devenir pilote, peut être plus tard instructeur, et ouvrir une formation et que ça soit accessible à tous. ».

C’est quoi ta dernière expérience marquante ?
Samuel Marie : « J’ai essayé de l’autogire ! Un ULM d’une classe d’ULM, avant hier. Là je vais faire du trois axes demain – c’est des petits avions – pour voir un peu ce qui est adaptable et voir jusqu’où on peut pousser les aménagements de ces machines, et pouvoir être le plus autonome possible. J’aime bien me faire balader une fois, mais après, il faut que je puisse prendre le contrôle des choses et pouvoir partager avec les gens. ».

C’est quoi tes prochains défis ?
Samuel Marie : « J’ai d’autres choses bien farfelues en tête qui sont en route, qui sont lancées, qu’il ne faut pas dire tout de suite, comme ça on ne spoile pas. Mais on va bien rigoler pour la suite. Ça se passera en l’air ! ».

Tu vas suivre les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ?
Samuel Marie : « Ouais, je vais suivre les J.O. ! Parce qu’il y a des copains qui sont inscrits, qui ont des enjeux là-dedans, et j’adore. Et je vais leur crier dessus pour qu’ils arrivent le plus loin possible et qu’ils se dépassent. ».

Un conseil pour finir ?
Samuel Marie : « C’est se lever le matin, peu importe nos compétences et ce qu’on est capable d’apporter. Mais dès qu’on se lève le matin, si on en fait tous les jours un petit peu, que ce soit au bout d’un an ou de dix ans. Quand on regarde derrière, il s’est passé vraiment des choses, on a construit et on a apporté quelque chose pour faire avancer. Quoiqu’il se passe si on se lève le matin et qu’on fait un pas toujours devant, ça fera avancer, quoiqu’il se passe. ».

La parole à…

Olivier Jeannel

Entrepreneur

Carte blanche à Olivier Jeannel

Olivier Jeannel : « Je suis Olivier Jeannel, je suis franco-américain, j’habite en France depuis 20 ans. J’ai une surdité profonde depuis l’âge de deux ans. Aujourd’hui, je suis un entrepreneur. J’ai créé une société qui permet aux personnes sourdes et malentendantes comme moi de pouvoir téléphoner. ».

Ça ressemble à quoi, le quotidien d’une personne sourde ?
Olivier Jeannel : « Le quotidien des personnes sourdes et malentendantes, c’est souvent celui de la communication. On peut ne pas se rendre compte de ce que vit une personne dans cette situation… Ce qui peut paraître anodin, normal pour vous, ne l’est pas. Donc l’effort de capter ce qui est dit à l’oral, des informations qui peuvent paraître à la radio, à la télé, sur les annonces publiques, ce n’est pas facile à capter, voire pas du tout captable. Alors une personne dans ma situation lit sur les lèvres pour comprendre, ce qui fait que souvent quand on est en réunion, je peux capter une personne à la fois. Je ne peux pas capter plusieurs personnes qui parlent en même temps. Ce qui fait que, paradoxalement, je suis très bon pour faire en sorte que la réunion tienne le rythme, que chacun comprenne ce que l’autre a dit. Très souvent, le retour des personnes c’est : « Oh, je suis désolé, je n’avais pas compris ! Mais vous n’avez pas à être désolé ! C’est juste que la situation est compliquée. Par contre, avec un peu de bon sens, et puis peut-être avec de la technique, on peut très bien comprendre ce qui se passe autour de nous. Pour moi, vraiment, la situation de handicap, c’est est d’abord une question : dans quel environnement est-ce que nous vivons ? ».

Pouvoir téléphoner, c’est important ?
Olivier Jeannel : « Aujourd’hui, beaucoup de démarches se font par téléphone, beaucoup de liens se font par téléphone, que ce soit avec les proches de la famille ou les services administratifs ou le service client. Donc le téléphone aujourd’hui n’a pas disparu, malgré les SMS, le mail, les applications. On a toujours besoin de téléphoner. ».

L’envie d’entreprendre ça t’est venu comment ?
Olivier Jeannel : « Alors, quand j’étais étudiant aux États-Unis à l’université de Berkeley, c’était au milieu du premier “Dotcom Boom” des années 99-2000. C’est là que j’ai attrapé le virus de l’entrepreneuriat et pour moi, ça a été vraiment une prise de conscience de ce qu’on pouvait faire, chacun, pour changer la donne. A mon arrivée en France, j’arrive à Sciences Po. Là, ça a été un peu le choc parce qu’aux Etats-Unis, j’ai eu l’habitude qu’on me propose des services pour que je puisse étudier. Donc en France, à Sciences Po, j’ai notamment dû aller chercher des services et j’ai dû demander aux autres élèves dans les cours s’ils pouvaient prendre les notes pour moi et ça, c’est pour moi un premier pas, un premier déclic vers ce que je pouvais être en tant qu’entrepreneur. C’est-à-dire que j’ai proposé à l’école de créer un site web d’information pour que les gens sachent à qui s’adresser pour avoir de meilleurs services d’accompagnement durant leurs études. Effectivement, plusieurs années plus tard, en 2011, je voir sortir Siri sur le smartphone. Je vois plein de gens acheter des smartphones. Je me suis dit que la reconnaissance vocale pouvait rendre visuellement ce que je ne comprends pas. Sous-titrer les conversations, notamment au téléphone. Et c’est là que je me lance dans l’aventure. ».

Diriger une entreprise quand on est sourd, ça se passe comment ?
Olivier Jeannel : « Typiquement, j’utilise beaucoup l’écrit, mais c’est une culture qui est favorable à la co-construction, la co-création en interne dans une entreprise. On passe sur des documents collaboratifs, sur des outils collaboratifs… La messagerie interne, les espaces partagés qui permettent à tout le monde de savoir ce qui se passe, d’être plusieurs à collaborer. Est-ce que c’est meilleur pour tout le monde ? Je pense que oui. ».

La tech, c’est une partie de la solution ?
Olivier Jeannel : « La technologie n’est pas une réponse à tout. Il faut vraiment avoir du bon sens. Comprendre la personne en face, il faut comprendre l’environnement dans lequel on est et à partir de là, on se dit : quelles sont les solutions qu’on peut apporter ? Elles peuvent être technologiques, elles peuvent être humaines. On propose les sous-titres au téléphone instantanés, automatiques. On donne aussi accès à des interprètes en langue des signes et à du code LPC, ce qui permet aux gens d’avoir une accessibilité totale à tous les moyens de communication. Peu importe comment vous voulez échanger avec les personnes, l’application crée ce lien et permet à tous de communiquer. ».

Et le sport, c’est bon pour l’inclusion ?
Olivier Jeannel : « Pour moi, le sport reste un facteur de lien. Et quand on parle de lien, effectivement, peu importe comment on communique, on a toujours quelque chose à partager ensemble. On transcende les différences grâce au sport. ».

Et toi, tu pratiques quoi ?
Olivier Jeannel : « Je suis un grand amateur des sports de glisse et des sports de montagne. Typiquement, j’aime beaucoup faire de la randonnée, de la marche, de l’alpinisme… Mais j’aime aussi faire du ski ou du surf… Du surf sur l’eau, bien sûr ! On peut penser que ce sont des sports solitaires, mais aucun sport ne se pratique seul. Vraiment, quand on est à l’eau, face à une vague, il faut toujours avoir des camarades autour. Il faut savoir où on en est et quand il y a un danger, que quelqu’un puisse nous secourir. C’est pareil avec l’escalade. Nous sommes toujours deux. Pareil avec la randonnée. Et ça, c’est important, cette solidarité que nous avons autour du sport. Un entrepreneur, comme un sportif, se fixe un objectif avant de se lancer et d’atteindre cet objectif. Il n’est jamais seul, évidemment. Et pour moi, c’est vraiment ça qui est clé à la réussite. ».

La parole à…

Éléonore Laloux

Conseillère municipale déléguée à la transition inclusive et au bonheur

Carte blanche à Éléonore Laloux

Éléonore Laloux : « Je m’appelle Éléonore Laloux, j’ai 36 ans. Je suis agent administratif au service facturation dans un hôpital privé depuis 2006.Et je suis conseillère municipale déléguée à la transition inclusive et au bonheur ».

Ton propre logement, c’était important ?
Éléonore Laloux : « Pour moi, c’était important. Je voulais prendre mon envol et avoir mon indépendance ».

Être élue conseillère municipale, c’est une source de fierté ?
Éléonore Laloux : « Moi je suis fière de représenter les personnes en situation de handicap dans ma ville ».

Chargée du bonheur à Arras, ça consiste en quoi ?
Éléonore Laloux : « Tout simplement voir les gens heureux, qu’ils se sentent bien dans la ville et qu’ils participent à des activités qui sont proposées par la ville ».

L’incluthon, le projet que tu portes dans ta ville, qu’est-ce que c’est ?
Éléonore Laloux : « L’incluthon, c’est un événement qui va rassembler les personnes en situation de handicap et des personnes qui sont valides, autour des activités sportives et culturelles ».

Le sport, quelle place ça a dans ta vie ? 
Éléonore Laloux : « Je fais de l’aqua fitness, de l’aqua boxing. Ça m’arrive de faire un peu de zumba, et aussi beaucoup de marche. Étant jeune avec mon frère, je faisais du judo. Il y avait beaucoup d’entraide, de solidarité, de l’écoute et de respect. Pour moi, les personnes en situation de handicap doivent être incluses dans le sport, et je trouve que c’est important. On est genre comme une grande famille ».

Ton livre, Triso et alors !, ça raconte quoi ?
Éléonore Laloux : « Au début, cela parle de ma scolarité en milieu ordinaire, mes opérations de cœur, mes histoires d’amour, et aussi beaucoup de galères. Mais c’est un très beau livre, et je vous recommande de le lire ».

Qu’est-ce qui nourrit ton engagement au quotidien ?
Éléonore Laloux : « Pourquoi je fais ça ? Parce que ça fait partie de ma délégation. Parce que dans ma délégation, c’est la transition inclusive et je fais tout pour que les personnes en situation de handicap soient incluses dans la société ».

Tu as des projets pour l’avenir ?
Éléonore Laloux : « Oui, j’ai des projets. D’abord il y a l’incluthon. Côté sport, c’est lancé et côté culturel, il y a beaucoup de choses à faire. Avec Nancy, on a inauguré une salle de change, ce sont des grandes toilettes pour les personnes qui sont en fauteuil pour qu’ils puissent se changer. Et j’aimerais mettre en place avec la mairie des salles de change mobile, dans mon incluthon, mais aussi dans les différents festivals ».

La parole à…

Julie Dachez

Chercheuse, conférencière, autrice

Carte blanche à Julie Dachez

Julie Dachez : « Je m’appelle Julie Dachez, je suis chercheuse, conférencière, autrice. J’ai 37 ans et j’ai été diagnostiquée autiste il y a une dizaine d’années maintenant. Alors, dans la vie je produis de la recherche, je donne aussi des conférences en entreprise sur l’autisme, le handicap invisible et l’emploi. Et depuis peu, je propose des formations en ligne sur une plateforme julieacademie.com ».

Comment tu as pris conscience de ta différence ?
Julie Dachez : « J’en ai pris conscience surtout à partir de l’entrée au collège, parce qu’il y a tout un tas de codes implicites qui se mettent en place. Un vocabulaire spécifique, une façon de parler spécifique entre les jeunes, des codes vestimentaires dont dépend notre popularité, une façon de se comporter en classe. Il ne faut pas être trop enthousiaste, sinon on passe pour un fayot… Et tout ceci relève du domaine de l’implicite et c’est très compliqué à cerner pour une personne autiste ».

Ton diagnostic, ça a changé quoi pour toi ?
Julie Dachez : « Mon diagnostic m’a permis de mieux me comprendre, de faire la paix avec moi-même, et d’aménager ma vie de façon à ce qu’elle correspond mieux à mes besoins, plutôt que d’essayer de rentrer dans un moule à tout prix ».

C’est quoi l’autisme au féminin ?
Julie Dachez : « Depuis quelques années, il y a des recherches qui s’intéressent à l’autisme au féminin et on se rend compte que l’autisme se présente un peu différemment chez les femmes, de façon plus subtile. Elles ont de meilleures compétences de communication, des intérêts spécifiques un peu plus socialement acceptables. Par exemple, une petite fille va se prendre de passion pour les chevaux là où un petit garçon va se prendre de passion pour les lignes de métro. Elles savent aussi mieux camoufler leurs difficultés, parce qu’elles vont imiter leurs camarades. Pour toutes ses raisons, mais aussi parce que les outils diagnostics n’ont pas été conçues pour les femmes autistes, elles vont bien souvent passer entre les mailles du filet diagnostic ».

Le handicap invisible au travail, c’est reconnu ?
Julie Dachez : Alors, non. [Rire] Et quand une personne en situation de handicap invisible demande des aménagements, souvent il y a comme une sorte de suspicion. Installer une rampe pour une personne en fauteuil, cela semble légitime. Personne ne doute que cela soit nécessaire, ce qui ne veut pas dire que c’est systématiquement mis en œuvre, loin de là. Mais en tout cas, cela semble légitime. Une personne autiste qui va demander à ne pas travailler en open space, parce que, sensoriellement, elle est gênée par les bruits, les lumières, les mouvements autour d’elle, on risque de lui répondre qu’elle pourrait peut-être faire un effort. Si on commence à céder aux caprices de tout le monde, on ne s’en sort pas, alors que ce n’est pas un caprice, c’est absolument nécessaire, et c’est ça la difficulté avec le handicap invisible. Comme on ne le voit pas à première vue, on a presque tendance à douter de son existence ».

Le sport, tu pratiques ?
Julie Dachez : « Oui, alors mon sport fétiche, c’est le tennis. J’y joue très souvent, toutes les semaines. Je pratique aussi le Pilates, le Yin Yoga et je suis très attirée par l’aviron et le kitesurf que j’ai envie de tester prochainement ».

Le sport pour changer les mentalités, tu en penses quoi ?
Julie Dachez : « Le risque, c’est de nous faire croire qu’une personne en situation de handicap peut tout accomplir, à partir du moment où elle s’en donne les moyens. Évidemment c’est faux. Il faut faire attention à ça et ne pas imputer l’échec ou la réussite d’une personne en situation de handicap à sa seule volonté, en occultant toutes les barrières systémiques qui l’entravent au quotidien. La priorité c’est l’inclusion, c’est-à-dire, ce qu’on met en place structurellement, collectivement pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder à l’école, d’avoir un emploi, d’avoir un logement ».

Tes projets pour l’avenir ?
Julie Dachez : « Oui, j’ai écrit une conférence sur la normalité qui vise à déconstruire un peu cette notion de normalité que j’aimerais beaucoup jouer dans des théâtres. Et j’ai aussi un projet de web série sur l’autisme avec un angle d’approche vraiment atypique et très drôle, nous sommes en train de chercher les financements pour le mener à bien. J’espère que cela pourra se concrétiser ».

La parole à…

Laetitia Bernard

Journaliste et sportive

Carte blanche à Laetitia Bernard

Laetitia Bernard : « Je m’appelle Laetitia Bernard, je suis aveugle de naissance, je suis journaliste à Radio France et sportive, notamment cavalière de sauts d’obstacles. »

Tu fais quoi dans la vie ?
Laetitia Bernard : « Je présente les journaux, les rendez-vous d’actualité sportive, le week-end le matin sur France Inter et France Info. Avoir un emploi déjà en tant que personne non voyante, ça a toujours été un rêve et une priorité, quelque chose de tellement important. J’avais envie de m’insérer dans la vie active, de gagner ma vie ».

Le sport, ça signifie quoi pour toi ?
Laetitia Bernard : « Je fais toujours de l’équitation. Quand j’étais adolescente, je suis tombée sur une monitrice, mais une vraie passionnée, qui m’a transmis le virus. En fait, elle m’a considérée comme une cavalière à part entière. Elle ne s’est pas dit : ah mince, elle n’y voit pas, elle ne va pas pouvoir monter à cheval. Elle s’est dit : Alors, comment je vais faire pour la faire progresser à cheval ? En fait, j’ai adoré les sensations et ses cours. J’ai des titres de championne de France handisport et j’ai aussi eu la chance de me qualifier pour l’open de France, le championnat de France des valides ».

Ton livre, ça raconte quoi ?
Laetitia Bernard : Au printemps j’ai publié un livre pour témoigner sur mon parcours. Le livre s’appelle : « Ma vie est un sport d’équipe », parce que je voulais partager. En fait, on pose souvent des questions : comment on fait quand on n’y voit pas pour aller faire ses courses, pour aller à l’école ? Donc voilà, c’était vraiment pour partager mon expérience ».

Pourquoi ta vie est-elle un sport d’équipe ?
Laetitia Bernard : « Le fait de ne pas y voir, clairement dans la vie généralement c’est un frein, dans le sens c’est vraiment pas pratique. Il y a besoin d’adaptation régulière et beaucoup aussi de l’aide des gens. Mais ça c’est plutôt pas désagréable. Cela crée des vraies belles relations aussi. On est plusieurs. Moi je fonctionne avec des gens, toujours, que ce soit dans mon travail, fonctionner ensemble, c’est hyper important, ou dans le sport, que ce soit à cheval, si je vais courir, j’ai un guide, si je vais faire du vélo, on est en tandem ».

Comment est-ce qu’on fait changer les mentalités sur le handicap ?
Laetitia Bernard : « Pour faire changer les mentalités autour des handicaps, je pense que ça passe tout simplement par le fait de voir des personnes en situation de handicap évoluer dans la vie quotidienne. Qu’on soit aveugle, ou voyant, ou avec un bras en moins, si on court un marathon on court un marathon. Ce que je veux dire, c’est à partir du moment où on partage un goût commun et qu’on se rend compte que, handicap ou pas, ce goût-là il existe pour tous, c’est là où on avance ».

Tu penses à un exemple d’initiative ?
Laetitia Bernard : « Par exemple, les clubs de triathlon ouvrent leurs portes le plus possible à une personne en situation de handicap. C’est-à-dire que j’ai frappé au club le plus proche de chez moi et ils m’ont dit : oui, bien sûr, viens participer aux entraînements, on te trouvera des guides, etc. On va courir ensemble, donc on va partager quelque chose qui va nous rassembler. Ce n’est pas une initiative en soi, mais c’est une manière d’être, une manière d’être ouvert aux autres et, pour moi, c’est ça la clé ».

Tu as des projets pour l’avenir ?
Laetitia Bernard : « J’ai commencé à m’engager un peu aussi au niveau du sport santé. Par exemple, je suis la marraine d’une association qui accompagne des femmes qui ont eu un cancer du sein, via le sport pour se sentir de nouveau vivant enfin sentir que son corps est vivant. Là, elles viennent de faire Paris Bucarest à vélo. Moi, je les ai accompagnées sur une partie du challenge. Il y avait le côté défi, mais on a rigolé pendant ce périple, pendant ces semaines ensemble, c’était énorme. Donc, on parle de handicap, on parle de maladie, on fait du sport. Donc on repousse les limites, je crois que le plus important, c’est de rigoler quand même, c’est d’être heureux en faisant ça, quoi ».

La parole à…

Michaël Jeremiasz

Entrepreneur à impact, ancien champion de tennis en fauteuil

Carte blanche à Michaël Jeremiasz

Michaël Jeremiasz : « Je m’appelle Michaël Jeremiasz, j’ai 39 ans, je suis ancien champion de tennis en fauteuil. J’ai pris ma retraite en 2016 après avoir remporté quatre médailles aux Jeux et avoir la fierté d’être porte-drapeau à Rio. »

Tu fais quoi dans la vie ?
Michaël Jeremiasz : « Aujourd’hui je suis un entrepreneur à impact, j’ai créé plusieurs structures : une association, l’association « Comme les autres », l’entreprise sociale Handiamo, une société de production, Les Gros Films, et je suis aussi directeur du French Riviera Open ».

C’est quoi Comme les autres ?
Michaël Jeremiasz : » Il y a dix ans, avec ma femme et mon grand frère, on a créé l’association Comme les autres parce qu’en fait on était conscients qu’on était en capacité d’aider des personnes comme moi victimes d’accidents de la vie et qu’on pouvait surtout les guider pour se reconstruire. On se sert du sport à sensations fortes pour justement les booster, les dynamiser et leur permettre de retrouver cette vie justement active à laquelle ils ont droit, à cette vie heureuse ».

Le sport, à quoi ça sert ?
Michaël Jeremiasz : « Le sport dans le cadre du parcours d’accompagnement qu’on propose chez « Comme les autres », c’est un formidable outil pour créer du lien social. Vous allez rencontrer des hommes et des femmes qui ont vécu des parcours très différents les uns des autres et vous allez jouer selon les mêmes règles. Vous allez évoluer vous allez sortir de votre zone de confort ».

Ton projet de docu, ça raconte quoi ? (« de l’ombre à la lumière », Les Gros Films)
Michaël Jeremiasz : « C’est un film qui va raconter comment le sport a changé la condition des personnes handicapées dans le monde depuis 150 ans, depuis l’époque des Freak Show, on était des bêtes de foire, en passant par le début du 20ème siècle où on euthanasiait encore les personnes handicapées mentales aux Etats-Unis ou au Canada. Si on veut changer un peu le présent et le futur, il faut connaître son passé. Et nous, c’est ça qu’on va faire. C’est un film qui va être historique, politique, engagé, dans lequel on voit ici aussi se marrer. Moi, j’aime bien me marrer. On veut que ce soit un film d’utilité publique ».

C’est une question de représentation donc ?
Michaël Jeremiasz : « Un des enjeux aussi l’association c’est de changer le regard qu’on a sur les personnes handicapées, le regard que la société porte sur les personnes handicapées. Aujourd’hui, on n’est pas des citoyens à part entière, on est minorité invisible : 80 % des personnes handicapées ont un handicap invisible et, en plus, les 20 % comme moi qui ont un handicap visible, n’existent pas dans la société ».

C’est important de parler d’inclusion ?
Michaël Jeremiasz : « On parle de « société inclusive ». Moi, je ne vais pas vous demander de m’inclure à la société, moi je fais partie du contrat de départ, je suis un citoyen comme vous. La réalité, c’est que nous, on n’aspire qu’à une chose : c’est travailler comme les autres, c’est aller faire les cons avec nos potes comme les autres, c’est de faire du sport le week-end. Une vie ordinaire. On ne veut pas une vie meilleure, mais on ne veut certainement pas une vie moins bonne. Et aujourd’hui, on n’y est pas, donc il y a un combat ».

Et donc comment on fait ?
Michaël Jeremiasz : « A un moment, il faut arrêter de se dire que c’est que le problème des autres. Non, c’est le problème de tout le monde. Donc, il y a un travail collectif à faire, mais qui part d’abord par une prise de conscience individuelle ».

Ta plus grande fierté ?
Michaël Jeremiasz : « Ce qui me rend le plus fier et le plus heureux dans ma vie d’homme, c’est d’être papa depuis le 11 mars 2016 d’un petit Mylo. C’est de loin ma plus grande émotion d’être humain ».

Un conseil pour les jeunes générations ?
Michaël Jeremiasz : « Juste, levez la tête, apprenez à écouter, à prendre du temps avec l’autre. En fait seul, on est malheureux, ça c’est une réalité et peu importe ce que vous êtes, peu importe qui vous êtes, d’où vous venez. En fait, le kiff absolu je crois, dans la vie, c’est les rapports humains c’est le rapport à l’autre. Enfin ça fait peur dit comme ça : N’ayez pas peur ! ».

La parole à…

Chiara Kahn

Compte _compassion_ sur Instagram

Carte blanche à Chiara Kahn

Chiara Kahn : « Je m’appelle Chiara KAHN, je suis étudiante en communication médias, je suis paraplégique depuis que j’ai 10 ans et je milite pour une meilleure inclusion des personnes handicapées en France ».

C’est quoi ton Insta ?
Chiara Kahn : « _compassion_ c’est un compte que j’ai ouvert en novembre 2020 et je publie des témoignages de personnes handicapées ou malades. Donc, en fait c’est des phrases qu’elles ont entendues au cours de leur vie et qui sont plutôt déplacées ».

Un exemple de petite phrase ?
Chiara Kahn : « Attends, mais toi, tu es handicapée et tu fais du sport ? Je ne comprends pas ». Donc, en fait, c’est vrai qu’il y a beaucoup de personnes donc qui ne connaissent pas le milieu du handicap, qui ne sont pas au courant qu’une personne handicapée peut pratiquer. En fait, il y a des gens qui ne connaissent même pas les paralympiques [Rires] ».

Comment ça se fait ?
Chiara Kahn : Beaucoup de personnes ne connaissent pas le handisport, parce que même si les compétitions sportives pour personnes handicapées sont médiatisées, ça ne sera pas les contenus qui auront le plus d’audience. Globalement, les personnes handicapées ne sont pas assez représentées dans les médias, mais c’est une situation qui est en train petit à petit d’évoluer. Les réseaux sociaux permettent aussi aux personnes directement concernées par le handicap de s’exprimer. Donc, ça permet une meilleure représentation ».

Et du coup, toi, tu pratiques ?
Chiara Kahn : « J’ai pratiqué différents sports, j’ai fait de la natation, de l’athlétisme et du basket fauteuil. Et, tous les hivers, je pars à la montagne et je fais de l’handiski ».

De l’handiskoi ?
Chiara Kahn : « Souvent, quand je dis que je fais de l’handiski, on me pose beaucoup beaucoup de questions : sur comment est-ce que ça fonctionne, comment c’est fait, etc… et ça ne me dérange pas du tout d’expliquer au contraire, enfin je suis contente d’apprendre aux gens. Mais c’est vrai que je me retrouve à répéter vraiment la même chose en permanence ».

Et donc ça sert à quoi le parasport ?
Chiara Kahn : « Evidemment, on ne va pas mettre un tennisman debout en face d’un tennisman en fauteuil, ce ne serait tout simplement pas du tout équilibré. Après, ça ne veut pas dire qu’on ne pourrait pas envisager des compétitions où il y aurait des matchs de personnes valides, puis des matchs de personnes handicapées, ce qui permettrait au public de voir les deux ».

Ça veut dire quoi l’inclusion ?
Chiara Kahn : « Je trouve que le fait de mélanger donc personnes handicapées et personnes valides, c’est une très bonne initiative. Dans ces cas-là, on peut parler d’une véritable inclusion et non pas d’intégration. Par exemple, cette année, l’équipe de France sera totalement inclusive. À Tokyo, la France sera représentée par une équipe qui sera composée à la fois de personnes valides et de personnes handicapées ».

Un truc qui te donne de l’espoir ?
Chiara Kahn : « Ce qui me donne de l’espoir c’est de voir que justement toute cette lutte contre le validisme, elle arrive petit à petit en France. Ça me donne beaucoup beaucoup d’espoir pour mon avenir et celui de toutes les personnes handicapées ! Merci ».

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